Dimanche 03/12/2023
Sullivan Fortner
Unanimement célébré par ses pairs comme l'un des pianistes les plus brillants de sa génération, Sullivan Fortner fait paraître aujourd'hui avec « Solo Game » un double-album particulièrement stimulant qui, dans son éclectisme stylistique assumé, sonne à bien des égards comme un authentique manifeste esthétique. Présentant, comme en miroir, un fantastique opus solo traversant par des chemins de traverse érudits toute l'histoire du piano-jazz et une oeuvre électro-acoustique expérimentale constamment surprenante et parfaitement insituable, ce recueil hybride offre à Sullivan Fortner l'occasion de faire dialoguer malicieusement tradition(s) et modernité(s) et de replacer au coeur du jazz et de sa poétique ces principes actifs parfois un peu oubliés que sont la prise de risque et, surtout, le goût du jeu.
C'est dans cette dynamique que s'inscrit aujourd'hui « Solo Game » que Sullivan Fortner a clairement conçu comme la fusion entre une partie "Solo" s'inscrivant avec un mélange d'humilité, de maturité et d'audace dans la grande tradition du piano solo et une partie "Game" développant à partir d'une multitude de claviers et d'effets électroniques un univers féérique et ludique, expérimentant de nouveaux rapports entre composition et improvisation.
Conçu en étroite collaboration avec le pianiste Fred Hersch qui en a édicté les règles et assuré la direction artistique, "Solo" est en soi un événement puisqu'il marque les grands débuts phonographiques de Sullivan Fortner dans cet exercice toujours périlleux (et décisif dans une carrière!) du solo absolu. Cocktail subtil de standards rares et de thèmes empruntant à une grande variété de styles, le répertoire s'est décidé en plusieurs temps. Fred Hersch a d'abord demandé à Fortner de lui fournir une liste de ses morceaux préférés, dans laquelle il a lui-même effectué une première sélection. Puis quatre séances d'enregistrements ont été programmées au cours desquelles Hersch a proposé chaque fois 6 morceaux puisés dans cette seconde liste, le jeu étant pour Fortner d'en offrir une interprétation sur le vif, sans préparation et sans possibilité de deuxième prise.
Puis quatre séances d'enregistrements ont été programmées au cours desquelles Hersch a proposé chaque fois 6 morceaux puisés dans cette seconde liste, le jeu étant pour Fortner d'en offrir une interprétation sur le vif, sans préparation et sans possibilité de deuxième prise. A l'arrivée 24 morceaux ont été enregistrés dans ces conditions particulières, parmi lesquels Fred Hersch a choisi au final les 9 pièces constituant l'album. Passant avec maestria de standards immortels (« I didn't Know What Time it Was » de Rodgers & Hart; « Come Sunday » de Duke Ellington; « This is Now » de Kurt Weill & Ira Gershwin) à des thèmes beaucoup plus obscurs (parmi lesquels le très surprenant « Congolese Children » de Randy Weston) tout en s'autorisant quelques incursions du côté de la soul de Stevie Wonder (« Don't Worry Bout a Thing ») et de la bossa nova de Jobim (« Once I Loved ») pour en déconstruire tous les attendus stylistiques - Sullivan Fortner s'y montre tout du long à la fois d'une absolue liberté dans le traitement de la forme et d'une totale cohérence langagière. Mettant la sophistication de sa science harmonique, l'audace de ses conceptions polyrythmiques, la fluidité et le dynamisme de son phrasé, la pureté cristalline de sa sonorité, au service de son matériau thématique pour en révéler chaque fois d'inattendues lignes de force à partir de quoi développer en d'intenses improvisations de très personnels scénarios, Sullivan Fortner offre là la quintessence de son art pianistique et de son rapport à la fois respectueux et "progressiste" à la tradition.
D'une toute autre nature et pour ainsi dire à l'opposé de cette façon érudite d'inscrire son geste créatif dans une relation dialectique au passé, "Game" surprend et séduit par sa dimension radicalement expérimentale et ludique en proposant des territoires sonores et idiomatiques parfaitement inclassables et insituables dans le paysage musical contemporain. Explorant les potentialités soniques et expressives d'un éventail impressionnant d'instruments allant du Fender Rhodes à l'orgue Hammond B3 en passant par le piano traditionnel, le Moog, le vocodeur, le célesta, le carillon, la batterie et une multitude de percussions diverses, Sullivan Fortner développe dans ce disque atypique des paysages sonores chatoyants aussi spontanés qu'admirablement architecturés et scénographiés. Partant d'un corpus composé aussi bien de morceaux totalement écrits (« Its a Game », « Snakes and Ladders », « Cross and Circles » et bien sûr « The Minute Waltz » emprunté à Frédéric Chopin) que d'autres improvisées d'abord au piano et « orchestrés » dans un second temps à partir d'effets sonores divers (Protools, Melodine et Auto-Tune) ajoutés en post-production (« Power UP », « Hounds and Jackals », « Stag »), Sullivan Fortner, jouant de toutes les ressources du studio avec un mélange de virtuosité malicieuse et de naïveté enfantine renoue avec la part de jeu à l'origine de toute vocation artistique. Avec cette oeuvre exubérante et totalement libre, le pianiste et compositeur nous rappelle que tester ses limites, se lancer des défis, expérimenter, improviser, oser sans autocensure, seront toujours les principales vertus de tout créateur digne de ce nom et révèle la part la moins policée de son univers musical protéiforme !
Production : New Morning
Unanimement célébré par ses pairs comme l'un des pianistes les plus brillants de sa génération, Sullivan Fortner fait paraître aujourd'hui avec « Solo Game » un double-album particulièrement stimulant qui, dans son éclectisme stylistique assumé, sonne à bien des égards comme un authentique manifeste esthétique. Présentant, comme en miroir, un fantastique opus solo traversant par des chemins de traverse érudits toute l'histoire du piano-jazz et une oeuvre électro-acoustique expérimentale constamment surprenante et parfaitement insituable, ce recueil hybride offre à Sullivan Fortner l'occasion de faire dialoguer malicieusement tradition(s) et modernité(s) et de replacer au coeur du jazz et de sa poétique ces principes actifs parfois un peu oubliés que sont la prise de risque et, surtout, le goût du jeu.
C'est dans cette dynamique que s'inscrit aujourd'hui « Solo Game » que Sullivan Fortner a clairement conçu comme la fusion entre une partie "Solo" s'inscrivant avec un mélange d'humilité, de maturité et d'audace dans la grande tradition du piano solo et une partie "Game" développant à partir d'une multitude de claviers et d'effets électroniques un univers féérique et ludique, expérimentant de nouveaux rapports entre composition et improvisation.
Conçu en étroite collaboration avec le pianiste Fred Hersch qui en a édicté les règles et assuré la direction artistique, "Solo" est en soi un événement puisqu'il marque les grands débuts phonographiques de Sullivan Fortner dans cet exercice toujours périlleux (et décisif dans une carrière!) du solo absolu. Cocktail subtil de standards rares et de thèmes empruntant à une grande variété de styles, le répertoire s'est décidé en plusieurs temps. Fred Hersch a d'abord demandé à Fortner de lui fournir une liste de ses morceaux préférés, dans laquelle il a lui-même effectué une première sélection. Puis quatre séances d'enregistrements ont été programmées au cours desquelles Hersch a proposé chaque fois 6 morceaux puisés dans cette seconde liste, le jeu étant pour Fortner d'en offrir une interprétation sur le vif, sans préparation et sans possibilité de deuxième prise.
Puis quatre séances d'enregistrements ont été programmées au cours desquelles Hersch a proposé chaque fois 6 morceaux puisés dans cette seconde liste, le jeu étant pour Fortner d'en offrir une interprétation sur le vif, sans préparation et sans possibilité de deuxième prise. A l'arrivée 24 morceaux ont été enregistrés dans ces conditions particulières, parmi lesquels Fred Hersch a choisi au final les 9 pièces constituant l'album. Passant avec maestria de standards immortels (« I didn't Know What Time it Was » de Rodgers & Hart; « Come Sunday » de Duke Ellington; « This is Now » de Kurt Weill & Ira Gershwin) à des thèmes beaucoup plus obscurs (parmi lesquels le très surprenant « Congolese Children » de Randy Weston) tout en s'autorisant quelques incursions du côté de la soul de Stevie Wonder (« Don't Worry Bout a Thing ») et de la bossa nova de Jobim (« Once I Loved ») pour en déconstruire tous les attendus stylistiques - Sullivan Fortner s'y montre tout du long à la fois d'une absolue liberté dans le traitement de la forme et d'une totale cohérence langagière. Mettant la sophistication de sa science harmonique, l'audace de ses conceptions polyrythmiques, la fluidité et le dynamisme de son phrasé, la pureté cristalline de sa sonorité, au service de son matériau thématique pour en révéler chaque fois d'inattendues lignes de force à partir de quoi développer en d'intenses improvisations de très personnels scénarios, Sullivan Fortner offre là la quintessence de son art pianistique et de son rapport à la fois respectueux et "progressiste" à la tradition.
D'une toute autre nature et pour ainsi dire à l'opposé de cette façon érudite d'inscrire son geste créatif dans une relation dialectique au passé, "Game" surprend et séduit par sa dimension radicalement expérimentale et ludique en proposant des territoires sonores et idiomatiques parfaitement inclassables et insituables dans le paysage musical contemporain. Explorant les potentialités soniques et expressives d'un éventail impressionnant d'instruments allant du Fender Rhodes à l'orgue Hammond B3 en passant par le piano traditionnel, le Moog, le vocodeur, le célesta, le carillon, la batterie et une multitude de percussions diverses, Sullivan Fortner développe dans ce disque atypique des paysages sonores chatoyants aussi spontanés qu'admirablement architecturés et scénographiés. Partant d'un corpus composé aussi bien de morceaux totalement écrits (« Its a Game », « Snakes and Ladders », « Cross and Circles » et bien sûr « The Minute Waltz » emprunté à Frédéric Chopin) que d'autres improvisées d'abord au piano et « orchestrés » dans un second temps à partir d'effets sonores divers (Protools, Melodine et Auto-Tune) ajoutés en post-production (« Power UP », « Hounds and Jackals », « Stag »), Sullivan Fortner, jouant de toutes les ressources du studio avec un mélange de virtuosité malicieuse et de naïveté enfantine renoue avec la part de jeu à l'origine de toute vocation artistique. Avec cette oeuvre exubérante et totalement libre, le pianiste et compositeur nous rappelle que tester ses limites, se lancer des défis, expérimenter, improviser, oser sans autocensure, seront toujours les principales vertus de tout créateur digne de ce nom et révèle la part la moins policée de son univers musical protéiforme !
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