Jeudi 15/09/2011
Voix
Anthony Joseph & The Spasm Band
Le grand retour du poète Anthony Joseph, accompagné de son groupe de Voodoo Funk, le Spasm Band. Anthony Joseph viendra présenter en exclusivité son troisième album à sortir fin aout
« The griot is the sound of universal culture. » Cette phrase d'ouverture de son nouvel album donne la clef d'accès à l'univers d'Anthony Joseph, poète et musicien né le 12 novembre 1966 à Port Of Spain en 1966. Le jour de la fête de diwali, un rituel hindou qui célèbre le passage de l'obscurité à la lumière. L'anecdote éclaire la suite de l'histoire de ce preacher illuminé par une vision du monde, un tout cosmique dont la musique n'est qu'une communion organique. C'est dans cette île peuplée de troubadours, de légendes orales et des soubresauts du carnaval, qu'il va grandir, avant de traverser l'Atlantique. En 1989, il atterrit en Grande-Bretagne. Il va bientôt devenir un homme de la grande ville, sans oublier ses racines rurales. Collectionneur de vinyles, esthète de la Great Black Music, du blues roots à la deep house, le Londonien s'illustre vite sur la scène « black rock » puis dans les réseaux du spoken word. Tout en peaufinant une écriture, dont atteste un premier recueil poétique « Desafinado » en 1994, suivi quatre ans plus tard de « Teragaton ». Anthony Joseph cultive ainsi la différence de son style, créolisé par nature et ouvert à toutes les expressions artistiques. En 2004, il sera sélectionné pour être l'un des cinquante auteurs originaires des communautés de l'ex-empire pour la photo « The Great Day », qui renvoie au fameux cliché jazz pris à Harlem en 1958. Dès lors l'histoire s'accélère pour ce sorcier des sons et des sens, qui va pouvoir réunir toutes ces passions en un projet.
Ce sera le Spasm Band, un groupe à géographie et géométrie variables. « Pour moi, la poésie est musique. Elle se doit d'être scandée, chantée, déclamée. » Alors qu'il publie un essai intitulé « The African Origins Of UFOs », Anthony Joseph enregistre en 2006 « Llego De Lion », un album qui le hisse au niveau international. Il y joue « la bande-son d'un territoire où toutes les diasporas noires se retrouvent ensemble » Congo punk et voodoo funk, jazz ésotérique et reggae atypique, sa démarche syncrétique enflamme les scènes. Trois ans et bien des shows bouillants plus tard, il signe un second opus, l'autobiographique « Bird Head Son », référence au surnom dont il était affublé gamin. La formule s'enrichit d'électrons libres, dont le tromboniste Joe Bowie et le guitariste Keziah Jones, sans perdre l'énergie nucléaire qui fondait l'originalité du Spasm Band, un nom qui rappellent les spasmes provoqués par les psalmodies baptistes. On pourrait en dire tout autant des performances irradiantes de ce groupe.
C'est d'ailleurs à la fin d'une longue tournée européenne, qu'Anthony Joseph et le Spasm band se sont « enfermés » plusieurs semaines durant le rude hiver londonien 2011. Histoire de faire chauffer les grooves incendiaires qui irradient « Rubber Orchestras », son nouvel album. Si la formation a bel et bien changé – le batteur Michel Castellanos et le joueur de congas Oscar Martinez aux congas ont rejoint le saxophoniste/flûtiste Colin Webster, le bassiste Andrew John et le guitariste Christian Arcucci –, la formule alchimique reste la même, tout comme les intentions qui s'entendent entre les lignes du titre. « L'idée de Rubber Orchestras m'est inspirée par des vers du poète surréaliste Ted Joans. Quand je les ai lus, une étincelle a jailli dans ma tête. J'ai immédiatement su que ce poème résumait ce que j'essayais de faire avec ma poésie : une sorte de signification flexible, une écriture mutante basée sur la langue spontanée. Comme du caoutchouc ! » Une prosodie qui renvoie à la variété des ambiances de cet album, où la nouvelle rythmique cubaine imprime des cadences plus « calypso rock » en surimpression de la trame « voodoo funk ». « Même s'il y a toujours les Caraïbes et le jazz, cet album sonne un peu plus rock, le son est bien plus lourd de par la présence d'un batteur. De même, nous avons essayé d'être plus concentrés sur les chansons. Il s'agit d'une évolution naturelle, essayer d'harnacher l'énergie de ce groupe en construisant des chansons. » Suivant ce sillon fertile, les textes s'ancrent plus profondément sur le terrain politique : « Un livre, lui aussi intitulé Rubber Orchestras, paraîtra en novembre. Rien d'autobiographique comme le précédent, mais un récit en trois parties nettement plus expérimental. J'y aborde le passé colonial des Caraïbes, l'héritage amérindien,le passé africain. La langue est plus de surréaliste et le texte plus politique. » Mais que l'amateur de groove ne déchante pas, il y sera encore question de musique, de jazz et de calypso, de tout le reste...
La musique, parlons-en plus avant. Pour aborder ce nouveau virage, Anthony Joseph s'est appuyé sur les talents du producteur Malcolm Catto, batteur et leader du groupe The Heliocentrics. Sur sa science du son analogique et sa qualité d'écoute. « Nous avons enregistré à son studio à Dalston. La présence d'un producteur signifie une troisième oreille capable de suggérer d'autres idées. D'autant plus qu'il est musicien et qu'il apprécie les mêmes musiques que moi, à commencer par le son des années 70. Cela n'était pas gagné, car cela signifiait abandonner le contrôle de nos choix, mais au final Malcolm a su gagner notre confiance. » Cette présence décisive n'est pas la seule nouveauté dans cette potion rétro-futuriste qui brasse tout à la fois raw jazz et deep soul, black rock et afro beat, soca funk et free swing... Loin de tout revival passéiste ou de toute fusion stérile, ce grand mix se lie à une remise en perspective résolument contemporaine.
Les invités sont nombreux dans ce jeu de multipistes : les musiciens des Heliocentrics, habitués du studio, ont bien entendu participé à la transe créative, et la voix profonde et chaleureuse de la chanteuse Jasnett Lindo souligne la nouvelle direction plus mélodique. « Je l'ai rencontrée il y a quatre ans lors d'une lecture dans un bar de Londres. Une voix a capella avait transpercée l'assistance. Belle, soulfull, forte, délicate. C'était Jasnett. C'est à elle que j'ai tout de suite lorsque nous cherchions une voix pour l'album. Elle apporte une réelle richesse au son. » Cette « inconnue » est la preuve, s'il en fallait, de la curiosité naturelle Anthony Joseph, toujours prompt à inviter des convives à son festin cru. Last but not least, Jerry Dammers (avec lequel Anthony Joseph collabore depuis quelques années dans un projet baptisé The Spatial AKA) a rejoint ce banquet. L'historique fondateur de The Specials, groupe phare de l'Angleterre du début des années 80, s'est mis derrière les manettes pour arranger et sublimer un poème visionnaire et révolutionnaire, l'emblématique suite intitulée « Generations », qui concentre tout l'à-propos de son auteur-compositeur. « Ce texte, où j'évoque ma relation à ma terre, à son histoire, à travers mon grand-père, a résonné en Jerry. Il voulait absolument y être associé et pour moi, c'est un honneur d'avoir un tel génie à nos côtés. Du coup, c'est aussi une rencontre entre deux générations de Caribéens qui regardent vers l'avenir tout en ayant une conscience aigue du passé. »
Le grand retour du poète Anthony Joseph, accompagné de son groupe de Voodoo Funk, le Spasm Band. Anthony Joseph viendra présenter en exclusivité son troisième album à sortir fin aout
« The griot is the sound of universal culture. » Cette phrase d'ouverture de son nouvel album donne la clef d'accès à l'univers d'Anthony Joseph, poète et musicien né le 12 novembre 1966 à Port Of Spain en 1966. Le jour de la fête de diwali, un rituel hindou qui célèbre le passage de l'obscurité à la lumière. L'anecdote éclaire la suite de l'histoire de ce preacher illuminé par une vision du monde, un tout cosmique dont la musique n'est qu'une communion organique. C'est dans cette île peuplée de troubadours, de légendes orales et des soubresauts du carnaval, qu'il va grandir, avant de traverser l'Atlantique. En 1989, il atterrit en Grande-Bretagne. Il va bientôt devenir un homme de la grande ville, sans oublier ses racines rurales. Collectionneur de vinyles, esthète de la Great Black Music, du blues roots à la deep house, le Londonien s'illustre vite sur la scène « black rock » puis dans les réseaux du spoken word. Tout en peaufinant une écriture, dont atteste un premier recueil poétique « Desafinado » en 1994, suivi quatre ans plus tard de « Teragaton ». Anthony Joseph cultive ainsi la différence de son style, créolisé par nature et ouvert à toutes les expressions artistiques. En 2004, il sera sélectionné pour être l'un des cinquante auteurs originaires des communautés de l'ex-empire pour la photo « The Great Day », qui renvoie au fameux cliché jazz pris à Harlem en 1958. Dès lors l'histoire s'accélère pour ce sorcier des sons et des sens, qui va pouvoir réunir toutes ces passions en un projet.
Ce sera le Spasm Band, un groupe à géographie et géométrie variables. « Pour moi, la poésie est musique. Elle se doit d'être scandée, chantée, déclamée. » Alors qu'il publie un essai intitulé « The African Origins Of UFOs », Anthony Joseph enregistre en 2006 « Llego De Lion », un album qui le hisse au niveau international. Il y joue « la bande-son d'un territoire où toutes les diasporas noires se retrouvent ensemble » Congo punk et voodoo funk, jazz ésotérique et reggae atypique, sa démarche syncrétique enflamme les scènes. Trois ans et bien des shows bouillants plus tard, il signe un second opus, l'autobiographique « Bird Head Son », référence au surnom dont il était affublé gamin. La formule s'enrichit d'électrons libres, dont le tromboniste Joe Bowie et le guitariste Keziah Jones, sans perdre l'énergie nucléaire qui fondait l'originalité du Spasm Band, un nom qui rappellent les spasmes provoqués par les psalmodies baptistes. On pourrait en dire tout autant des performances irradiantes de ce groupe.
C'est d'ailleurs à la fin d'une longue tournée européenne, qu'Anthony Joseph et le Spasm band se sont « enfermés » plusieurs semaines durant le rude hiver londonien 2011. Histoire de faire chauffer les grooves incendiaires qui irradient « Rubber Orchestras », son nouvel album. Si la formation a bel et bien changé – le batteur Michel Castellanos et le joueur de congas Oscar Martinez aux congas ont rejoint le saxophoniste/flûtiste Colin Webster, le bassiste Andrew John et le guitariste Christian Arcucci –, la formule alchimique reste la même, tout comme les intentions qui s'entendent entre les lignes du titre. « L'idée de Rubber Orchestras m'est inspirée par des vers du poète surréaliste Ted Joans. Quand je les ai lus, une étincelle a jailli dans ma tête. J'ai immédiatement su que ce poème résumait ce que j'essayais de faire avec ma poésie : une sorte de signification flexible, une écriture mutante basée sur la langue spontanée. Comme du caoutchouc ! » Une prosodie qui renvoie à la variété des ambiances de cet album, où la nouvelle rythmique cubaine imprime des cadences plus « calypso rock » en surimpression de la trame « voodoo funk ». « Même s'il y a toujours les Caraïbes et le jazz, cet album sonne un peu plus rock, le son est bien plus lourd de par la présence d'un batteur. De même, nous avons essayé d'être plus concentrés sur les chansons. Il s'agit d'une évolution naturelle, essayer d'harnacher l'énergie de ce groupe en construisant des chansons. » Suivant ce sillon fertile, les textes s'ancrent plus profondément sur le terrain politique : « Un livre, lui aussi intitulé Rubber Orchestras, paraîtra en novembre. Rien d'autobiographique comme le précédent, mais un récit en trois parties nettement plus expérimental. J'y aborde le passé colonial des Caraïbes, l'héritage amérindien,le passé africain. La langue est plus de surréaliste et le texte plus politique. » Mais que l'amateur de groove ne déchante pas, il y sera encore question de musique, de jazz et de calypso, de tout le reste...
La musique, parlons-en plus avant. Pour aborder ce nouveau virage, Anthony Joseph s'est appuyé sur les talents du producteur Malcolm Catto, batteur et leader du groupe The Heliocentrics. Sur sa science du son analogique et sa qualité d'écoute. « Nous avons enregistré à son studio à Dalston. La présence d'un producteur signifie une troisième oreille capable de suggérer d'autres idées. D'autant plus qu'il est musicien et qu'il apprécie les mêmes musiques que moi, à commencer par le son des années 70. Cela n'était pas gagné, car cela signifiait abandonner le contrôle de nos choix, mais au final Malcolm a su gagner notre confiance. » Cette présence décisive n'est pas la seule nouveauté dans cette potion rétro-futuriste qui brasse tout à la fois raw jazz et deep soul, black rock et afro beat, soca funk et free swing... Loin de tout revival passéiste ou de toute fusion stérile, ce grand mix se lie à une remise en perspective résolument contemporaine.
Les invités sont nombreux dans ce jeu de multipistes : les musiciens des Heliocentrics, habitués du studio, ont bien entendu participé à la transe créative, et la voix profonde et chaleureuse de la chanteuse Jasnett Lindo souligne la nouvelle direction plus mélodique. « Je l'ai rencontrée il y a quatre ans lors d'une lecture dans un bar de Londres. Une voix a capella avait transpercée l'assistance. Belle, soulfull, forte, délicate. C'était Jasnett. C'est à elle que j'ai tout de suite lorsque nous cherchions une voix pour l'album. Elle apporte une réelle richesse au son. » Cette « inconnue » est la preuve, s'il en fallait, de la curiosité naturelle Anthony Joseph, toujours prompt à inviter des convives à son festin cru. Last but not least, Jerry Dammers (avec lequel Anthony Joseph collabore depuis quelques années dans un projet baptisé The Spatial AKA) a rejoint ce banquet. L'historique fondateur de The Specials, groupe phare de l'Angleterre du début des années 80, s'est mis derrière les manettes pour arranger et sublimer un poème visionnaire et révolutionnaire, l'emblématique suite intitulée « Generations », qui concentre tout l'à-propos de son auteur-compositeur. « Ce texte, où j'évoque ma relation à ma terre, à son histoire, à travers mon grand-père, a résonné en Jerry. Il voulait absolument y être associé et pour moi, c'est un honneur d'avoir un tel génie à nos côtés. Du coup, c'est aussi une rencontre entre deux générations de Caribéens qui regardent vers l'avenir tout en ayant une conscience aigue du passé. »
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